De ta dette, tu t'acquitteras - Libre tu deviendras
"Le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant. Nous serons plus forts moralement, nous aurons appris et je saurai aussi avec vous en tirer toutes les conséquences, toutes les conséquences."
E. Macron, discours du confinement
Il me plait de finir, ou presque, en repartant du début. C’est par ces mots du Président que j’avais fini mon premier billet de blog intitulé « Le Grand Stop ». Nous sommes quasiment le jour d’avant le jour d’après. Celui où il est souvent trop tard. Je voudrais rependre mon dernier paragraphe également :
« Ne pourrions-nous imaginer du coup, une sorte de sas, un déconfinement en douceur qui nous permette, non seulement d’encaisser le choc, mais aussi tous ensemble, à l’échelle de son quartier, de sa ville et bien plus largement encore, de s’asseoir et de penser, comme étape fondamentale avant de passer à l’action. C’est toute l’idée de mettre à profit ce grand stop qui nous est « offert » de façon si dramatique : et si nous décidions, gouvernants et gouvernés, d'inverser la stratégie du choc décrite par N. Klein ? Pour éviter la déconfiture en déconfinant : l’an 01 plutôt que l’an 40 ».
Ce n’est pas rien que de poster ce billet accompagnant la dernière partie - avant le « Fun-en-bulles » qui accompagnera le déconfinement, mardi prochain - justement un 8 mai. Serait-il possible de signer un armistice avant la guerre ? Le meilleur moment pour planter un arbre ? Il y a vingt ans… Pas de paix sans justice sociale, sans justice socio-environnementale dirais-je aujourd’hui. Pas de paix sans prendre le temps nécessaire pour la construire. Le temps est le nerf de la paix mais derrière ce temps… Le système. Nous l’avons vu la semaine dernière à l’interface entre le temps abstrait et le temps concret : nous allons devoir reprendre ce temps nécessaire, le voler en remettant en cause les ressorts même de cette famine temporelle qui nous y conduit tout droit.
L’an 01 donc, plutôt que l’an 40. L’an 01, vous savez, ce film qui vante tout l’intérêt du Grand Stop, qui fait l’éloge du pas de côté aussi. Le Grand Stop... celui d’Alexandre le Bienheureux, celui imaginé p 558 aussi, totalement utopique mais... qui nous est tombé dessus de façon réellement inattendue. Celui dont on a tous grand hâte qu'il se termine. Tout le monde attend le 11 mai avec impatience mais… en imaginant des lendemains différents. Ne sentez-vous pas que l’on va pourtant repartir comme avant ? Oh, sûrement un peu différemment, mais juste un peu. Trop peu pour éviter l’an 40.
Dans cet essai, pour éviter tout ce qui nous pend au nez, de la stratégie du choc aux dérives totalitaires que l’actuelle crise pourrait renforcer sous couvert de sécurité, je vous ai proposé une dizaine de retournements pour nous aider à Agir Global, Penser (le) Local. L’idée, c’est d’opérer une nouvelle grande transformation, socio-écologique cette fois. Un véritable changement clim-éthique. Le problème, c’est l’échelle. Spatio-temporelle. Il nous faut réconcilier le sens et l’urgence pour éviter la contraction démocratique. Prendre le temps de l’accroît-sens, c’est urgent. Couvrir l’espace de l’intime au global, c’est plus qu’urgent. Comment faire ?
C’est tout l’objet de cette dernière partie, que d’essayer de relier, puisque c’est ce qui nous manque dans la perspective qui est celle de bâtir un autre récit, entre vie bonne et monde commun. Relier… Le sens et l’urgence, le penser et l’agir. Revenir de l’intime au local puis au global. C’est aux interfaces que ça se passe, je le crois profond-aimant.
Alors, nos dettes mutuelle, primordiale et envers la pensée se combinent en une dette ontologique pour repenser notre manière d’être au monde, pour tenter de retrouver le lien. Au monde, à l’autre, à soi aussi… pour donner un sens à notre existence, individuelle et collective.
Alors cette dette ontologique dont l’acquittement peut nous perm-être de penser (le) local à rebours de tous les replis sur soi qui accompagnent une mondialisation galopante, se combine avec notre dette climatique qui nous a accompagné pour Agir Global, repenser les rapports entre le Nord et le Sud, restaurer une confiance mise à mal par des siècles d’esclavage, de colonisation, de combinaison d’une dette d’un autre type et d’un extractivisme forcené.
La dette se fait ainsi clim-éthique pour accompagner le changement du même nom.
La dette clim-éthique, pour rouvrir le futur. Une autre forme d’explosion de la dette, vous le verrez. Celle-ci se veut joyeuse, libératrice pour perm-être tous les déploiements, de chacun et de chaque local. Avant d’explorer quelques pistes pour atterrir en local puis amerrir sur l’océan de l’intelligence collective et revenir au global, nous allons devoir – encore ! je sais que c’est endettant… - poser quelques principes pour baliser cette reconnaissance de dette qui se fera re-co-naissance.
Nous tâcherons d’abord de ne pas refermer trop rapidement ce futur que nous ouvrons, il y aurait plein de moyens d’y parvenir, fastoche. C’est ce que nous risquons fort de faire d’ailleurs, le jour d’après… Nous tâcherons ensuite d’accepter de ne pas réellement savoir où nous allons, d’anticiper sans nécessairement planifier. D’accepter la complexité, la non-dualité aussi. De reconnaître toute l’importance de la diversité, d’accepter nos différences et nos incomplétudes en s’appuyant dessus plutôt qu’en appuyant dessus. D’honorer nos divergences comme le dit joliment I. Stengers. Il nous faudra parler d’attachement et d’identité mais toujours en résistance à tous les ismes qui referment, nous en ferons des ouvertures pour inclure.
Alors nous proposerons d’abord une réponse possible à Bruno Latour qui se demande où atterrir : sur les territoires de vie chers à A. Escobar au Sud, tellement au-delà du simple sol ; dans la foule sentimentale aussi, chère à A. Souchon et à tous ces philosophes qui ont pensé la diversité, l’altérité, la nature, comme autant de miroirs qui nous permettent de nous re-décrire, voire même de re-naître. Mais atterrir ne suffira pas, car il nous faut réconcilier ce sens avec l’urgence liée au délai et à la contraction démocratique engendrés par les dérèglements climatiques.
Alors nous explorerons comment la dette clim-éthique peut nous aider à revenir au global. Il nous faudra amerrir sur cet océan de l’intelligence collective. Nous entrerons d’abord en « recherche globale pour le changement », forme de dixième retournement avant le dernier, pour la route, que je vous laisserai découvrir. Nous entrerons en expérimentation, comme un élément clé de cette grande transformation socio-écologique qui nous attend.
Il me semble que tous les domaines des activités humaines sont concernés. Il nous faudra parler aussi bien d’auto-gestion que de gouvernance mondiale. D’éthique et de politique, que le droit pourrait aider à réconcilier, en particulier grâce au cadre de la justice transitionnelle et à l’approche par les capacités. Responsabilités et capacités seront à marier en local comme au global pour engager cette transformation socio-écologique avec l’idée de justice au cœur. Il nous faudra ôter notre benêt et revenir sur la question des freins au changement, à ce changement devenu clim-éthique. Il nous faudra poser la question du pouvoir. Il faudra pouvoir se poser des questions. Et celle-ci en particulier, avant le jour d’après :
Avons-nous développé – ou saurons-nous développer - cette intelligence collective pour inverser l’actuelle tendance à la hausse de nos émissions de CO2 ? Je veux dire, autrement qu’à la suite d’une guerre, d’une crise économique ou d’une crise sanitaire comme celle que nous traversons ? Démocratiquement donc, pacifiquement même… L’an 01 plutôt que l’an 40.
Le sas risque de ne pas suffire, peut-être devrais-je parler de sos ?
Parce qu'il s'agit bien de la paix : Partie IV, Embarquement clim-éthique.
A mardi, pour nous faire Fun-en-bulles et vous remercier !!
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