top of page

L'argent, c'est du temps !





Combien de temps, combien de temps encore ? Des années, des jours, des heures ? combien ? Quand j’y pense, mon cœur bat si fort. Mon pays, c’est la vie.



  Combien de temps encore… Pour une fois qu’on a la réponse, profitons-en : Dix jours !


  Dix jours avant de nous retrouver, de revenir à la vraie vie… La vraie vie… Est-ce que ce sera celle d’avant ? Il y a de fortes chances. Mais pas complètement, sûrement. Ou pas du tout, on n’en sait rien et c’est ça qui est bien.


  J’ai ouvert ce blog pour y publier un chapitre tous les trois jours de cet essai sur le changement clim-éthique, suite au discours de notre Président qui nous invitait à la fois à la lecture et à nous concentrer sur l’essentiel. Ca m’avait mis colère : pourquoi ne penser au sens de nos vies, de notre vie en tant qu’individu comme en tant qu’espèce sur cette planète, seulement en ces temps confinés ? J’ai trouvé ça fou mais la réponse était pourtant toute simple : en dehors de ce Grand Stop, ya pas l’temps !


  Et pourquoi, ya pas l’temps ? L’origine de cette famine temporelle mérite d’être creusée. C’est ce que nous allons entreprendre dans la première partie de ce chapitre destiné à nous réapproprier ce temps. Pas juste là, pendant le confinement, puisqu’il nous est « offert » et pardon pour tous ceux qui soignent, qui travaillent, tous ces invisibles comme on les appelle, que le Coronavirus a (enfin) dévoilés. Sans même parler de tous ceux pour qui le temps s’est définitivement arrêté. Non, je parle du jour d’après, quand nous nous retrouverons. Comment faire en sorte que nous sachions mettre à profit cette suspension du temps, pour qu’il ne reprenne pas son vol ?


  Son vol… Dans tous les sens du terme n’est-ce pas. Si l’on doit se le réapproprier, c’est quelque part qu’on nous l’a volé non ? Dans une forme de guerre des temps décrite par plusieurs historiens, le temps abstrait – le temps juste, quantitatif, celui de l’horloge, celle atomique qui nous mesure le temps qui reste avant la fin, collective, ou celle qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non – l’emporte sur le temps concret – le temps vécu, qualitatif, celui dont nous avons grand faim – dans tous les domaines de la vie quotidienne. Nous nous adaptons à cette course effrénée et nous avons vu dans un chapitre précédent, que nous tenions dans ce temps « inauthentique », une des causes principales de notre dette primordiale qui conduit immanquablement à une grosse fatigue, de la démocratie comme de soi.


  Dans cette première partie donc, nous allons donc explorer la dimension politique du temps. C’est T. Monod qui nous a dit que dans nos sociétés, nos gouvernants n’aiment pas que leurs administrés se préoccupent trop des graves questions qui concernent leur avenir. Point de complotisme dans cette phrase, juste la constatation que dans notre monde en constante accélération, pour rester dans la course, chaque individu, chaque région, chaque pays, se doit d’en faire toujours plus et tant pis pour tous ceux qui ne suivent pas le rythme. L’accélération, tellement importante, comme le sont ses moteurs sociaux et culturels décryptés par le sociologue H. Rosa : la compétition et la promesse d’éternité. La compétition, moteur de la croissance et l’éternité, que l’on peut approcher en attendant le transhumanisme, à travers l’idée de vivre plusieurs vies en une.


  D’autres vont plus loin encore, en dénonçant au-delà de cette accélération, notre incapacité à prendre en compte les différences de rythme, entre les individus comme entre les peuples. P. Nicolas le Strat, que nous avons déjà croisé au chapitre précédant dans son travail du commun, parle de « modalités coopératives d’agencement de cette polyrythmie », joli non ? C’est très exactement ce que nous avons bien du mal à réaliser, tandis que l’on pourrait imaginer que le degré d’avancement d’une société tienne justement dans cette capacité de savoir prendre en compte le pas des plus « lents », pour avancer tous ensemble dans notre recherche d’accroît-sens et de monde commun.


  C’est ce à quoi je vous invite dans la deuxième partie de ce chapitre : nous réapproprier le temps de l’accroît-sens.


  Je commencerai par proposer quelques pistes au sein de l'université. C’est là que je vous ai laissé mardi, immergés – mais pas noyés j’espère - dans ce triangle de la co-naît-sens dont les sommets représentent les trois missions de cette unis-vers-cité. Science douce, éducation faible, attention, pas de côté, transgression… Tout ceci est extrêmement chronophage et nous allons voir comment nous pourrions, nous devrions plutôt, nous réapproprier ce temps pour l’œuvre et l’accroît-sens. L’inter- ou la transdiciplinarité sont des formes de résonance que H. Rosa envisage comme un remède à l’accélération. Je pense à l’inverse qu’elles ne sont que des résistances et que pour pouvoir les mettre en œuvre, justement dans cette perspective transformatrice qui est la mienne dans ces pages, il nous faut quitter cette accélération et puisque celle-ci n’est que le reflet du système en place, quitter le système lui-même. A l’unis-vers-cité comme en dehors.


  Etonnant de poster ce billet et ce chapitre un 1er mai, puisque ces réflexions vont bien sûr nous amener à discuter du temps de travail de façon plus générale, et du travail tout court. Comment faire pour que nous puissions toutes et tous, garder du temps pour la vie familiale et le travail du commun, pour penser et agir dans cette perspective transformative ? Comment est-ce que l’idée de dette climatique pourrait nous y aider ? Héhé… Il ne faudrait pas que vous ayez l’impression de perdre le fil. C’est que nous allons entreprendre ici, notre neuvième retournement : l’argent, c’est du temps ! Nous nous ferons alchimiste pour transformer le plomb (l’idée de dette) en argent (de la dette, climatique mais on pourrait imaginer qu’il provienne aussi, par exemple de celle que l’on va creuser pour relancer l’économie, dans cette grande inversion de la stratégie du choc dont je vous ai déjà entretenu) puis en or (du temps) pour financer cette réappropriation sociale du temps.


  Là encore, je voudrais vous en dire plus parce qu’au-delà du temps à se réapproprier, compte-tenu de sa dimension politique, il va falloir surtout retrouver un pouvoir d'agir, individuel et social. Aller bien plus loin que simplement financer ce temps de l’intime et de l’accroît-sens, en dehors de la sphère du travail. Il va nous falloir nous réapproprier le sens du travail lui-même ; de la valeur. Décider collectivement de la pertinence des objectifs et des moyens de la production dont nous avons vu qu’elle était - avec l’exigence et la relience - un élément fondamental du triptyque de l’accroît-sens, dans ce contexte contraint des limites de notre planète.


  La relience… Elle sera au cœur de la quatrième et dernière (ouf !) partie de cet essai, pour relier le penser et l’agir, du global au local et à l’intime. Une fois n’est pas coutume, je vous laisse une semaine entière pour prendre le temps de lire ce chapitre 9. C'est aussi pour me laisser le temps de mettre au propre cette synthèse qui bénéficie à la fois de ce travail pour partager ces chapitres avec vous et de vos retours très encourageants, qui me permettent de préciser plein de choses et d’améliorer la présentation de l’ensemble. Un premier grand merci à vous, dès aujourd’hui donc !


  Pour prendre le temps de se le réapproprier, tant qu’il en reste : Partie III, chapitre 9


  La synthèse sera postée sur ce blog vendredi prochain, le 8 mai. Ce n’est pas rien non plus... Le Fun-en-bulles, ce sera pour fêter le début du déconfinement. Belle concordance des temps !

bottom of page